Premier spectacle de l’année pour quatre classes du lycée :

Une ouverture théâtrale au sommet avec Le Tartuffe de Molière !

Le vendredi 03 octobre 2025, la compagnie Astrov a offert à 200 élèves du Mantois une représentation époustouflante de la célèbre pièce de Molière à l’Espace culturel Jacques Brel de Mantes-la-Ville.

Un classique pour notre temps

Les 2e CAP AEPE et EPC2, le groupe Ulis et la 1^ère Bac pro VAC du lycée ont eu la chance d’assister à une représentation particulièrement innovante et réussie d’une pièce majeure du répertoire.

Dénonciation de la fausse dévotion et d’une pratique déviante de la religion, de la manipulation et de l’emprise, de la prédation (sexuelle, psychologique, idéologique) et de la difficulté à la faire reconnaître, le texte de Molière résonne aujourd’hui de manière troublante, surtout lorsque la mise en scène souligne particulièrement les inventions du dramaturge pour déjouer les artifices du mensonge et d’un langage perverti.

Une expérience théâtrale par excellence

En écho aux scènes de « théâtre dans le théâtre » imaginées par Molière pour confondre « le saint homme » manipulateur, la mise en scène de Jean de Pange met en évidence toute la puissance du théâtre pour dévoiler les faux-semblants et le jeu des apparences.

Son dispositif quadri-frontal offre aux spectateurs une expérience théâtrale par excellence : être littéralement « là d’où l’on regarde » (signification même du mot « théâtre »), voir l’intrigue se nouer, à la fois spectateur et acteur de l’impressionnante cécité d’Orgon, chef de famille raisonnable qui a perdu toute faculté de juger et risque d’entraîner avec lui sa famille à sa perte.

• Certes, un tel dispositif était intimidant pour de jeunes spectateurs, peu familiers du théâtre et de la fameuse «langue de Molière» : pas de scène en hauteur face à soi, pas de rideau, mais un espace scénique simplement délimité par le rectangle des gradins ouverts à leurs quatre angles, pas d’obscurité dans la salle, mais une lumière identique pour réunir les comédiens et les spectateurs dans un même un même espace où tout le monde voit l’autre en train de regarder l’histoire se dérouler sous ses yeux.
• Les comédiens jouent avec cette proximité qui floute les frontières entre la fiction de l’histoire qu’ils incarnent et la réalité de ceux qui y assistent, franchissant explicitement cette frontière par des salutations, des interpellations, des regards ou des gestes de connivence, sortant parfois rapidement de leur rôle pour rappeler un élève au silence, comme pour suggérer que tous participent à ce qui se trame  : en tant que spectateur, interpellé dans son appréciation critique ? En tant que témoin des faits, abolissant momentanément l’espace de la fiction, tout comme Orgon dont le discernement est perturbé, comme si tous les spectateurs, par la magie du théâtre,  vivaient la même expérience d’aveuglement et d’incrédulité que ce personnage?

Crédit photo Compagnie Astrov

• Voir de ses propres yeux, et de très près, la manipulation à l’œuvre, les expressions du visage, les regards de Tartuffe en flagrant délit de mensonge, mais crédible à ne plus savoir que croire … il y avait de quoi intimider et déstabiliser un peu les élèves dans leur rapport à la représentation et à la vérité.

Crédit photo Compagnie Astrov

Mais les acteurs ont su d’emblée les impliquer et maintenir cette implication tout au long des presque deux heures du spectacle malgré des scènes qui ont suscité quelques remous …

Une générosité admirable des artistes

Si la proposition de Jean de Pange et des comédiens de la compagnie Astrov est admirable à plus d’un titre, il nous faut saluer particulièrement la générosité et l’énergie avec laquelle les artistes ont offert le meilleur de leur art à des spectateurs en devenir dont la qualité d’écoute reste à construire.

• Tout au long de la représentation, ils ont réussi à soutenir l’attention des élèves et le lien avec eux, en explicitant le changement de personnage d’un acteur endossant deux rôles, en abrégeant une scène dont ils sentaient la difficulté pour leurs jeunes spectateurs par exemple.
• Pendant près de deux heures, ils ont offert une qualité de jeu et d’engagement admirable qui a rendue accessible à tous les élèves cette pièce majeure du répertoire et leur a permis de vivre une expérience artistique décisive : éprouver la puissance d’un texte qui peut nous  parler au-delà du temps et celui de la fiction qui déjoue les subterfuges brouillant l’entendement.

Un engagement pédagogique stimulant

Mais il faut également saluer les lycéens et collégiens pour qui l’expérience était très dense et à proprement parler extraordinaire. Leurs réactions, leurs rires et parfois l’expression de leur gêne, ont témoigné d’une attention très encourageante au texte et à sa représentation.

• Les élèves de Terminale de la section européenne ont tenu à remercier les artistes dès leur sortie de la loge tant elles ont été enthousiasmées par leur performance.
• Pour les plus jeunes dont c’était souvent la première rencontre avec le spectacle vivant, il faut saluer leurs efforts, en accord avec ce que cette expérience exigeait d’inhabituel :  rester assis deux heures, essayer de comprendre une langue quasi étrangère et tout ce qui, malgré la préparation, pouvait leur échapper dans ces joutes verbales en alexandrins, se raccrochant aux mots connus d’eux et aux répliques « cultes » dites en classe, s’efforcer donc d’honorer le « pacte de réciprocité » entre le spectateur et le spectacle étudié avec leurs enseignants pour «devenir spectateur».

Après les attentes rédigées avant la représentation, les élèves ont été invités à exprimer leurs impressions immédiates afin de progresser vers la rédaction d’une appréciation critique dépassant le simple « J’aime, je n’aime pas ».

Une invitation à la lecture du spectacle vivant et des textes

Cette expérience très riche ouvre ainsi avec éclat le parcours de spectateur de ces classes :

les propositions originales de Jean de Pange donnent à Tartuffe toute son actualité en tissant avec subtilité les alexandrins et l’humour incisifs de Molière à des expressions culturelles contemporaines. Ce tissage pourra leur montrer comment la lecture continue d’artistes maintient vivant un texte de plus de trois siècles pour qu’il soit  joué et transmis à tous les publics tant il est précieux pour éclairer notre temps.

• De Wild Horses des Rolling Stones aux symboles très éloquents qui ponctuent l’action, en passant par des évocations de personnages de films ou de faits divers connus des élèves, les références culturelles avec lesquelles joue la compagnie Astrov seront des entrées pour analyser le spectacle et mieux comprendre le texte de Molière, notamment ce qu’il révèle de la fiction comme ressort contre la manipulation du langage et le travestissement du réel.

Crédit photo Compagnie Astrov

• Le tissage entre les œuvres patrimoniales et contemporaines pourra continuer d’être d’exploré tout au long du parcours d’éducation artistique et culturelle de ces classes, à l’Espace Jacques Brel, dans les autres structures culturelles partenaires proches du lycée (le Collectif 12 et le Centre culturel Le Chaplin à Mantes-la-Jolie, le Théâtre de La Nacelle à Aubergenville) et au lycée même pendant le Festival Blues sur Seine par exemple.

Un partenariat exceptionnel